9782742765461Remonter le temps comme une montre.

Imaginez… vous vous endormez en 1988 et vous vous réveillez en 2000… vous aviez vingt-cinq ans, vous en avez trente-sept… vous veniez de rencontrer un beau garçon séduisant et vous vous retrouvez avec un mari quasi grisonnant et trois enfants dont vous ne connaissez même pas les prénoms !
Mauvais rêve ? Amnésie ? Un mot auquel on ne croit pas, ou alors juste pour les autres, dans les émissions de télé « réalité ». Mais quand ça vous tombe dessus, comme vous tombe dessus un an 2000 sans préparatifs anti bug, avec ses passants tristes, ses clochards multipliés, ses téléphones devenus portables et cet étrange bidule qui s’appelle Internet, on est bien obligé d’y croire. Et de se demander pourquoi…
Et Marie de se demander pourquoi elle a tout oublié, pourquoi elle s’est précipitée dans l’oubli, pourquoi elle est devenue du jour au lendemain une spectatrice de sa vie. Comment elle a pu, aussi, vivre pendant douze ans avec cet homme qu’elle découvre, ce Pablo rencontré en 88 et qui semble si aimant, si parfait, si étranger pourtant. Elle qui ne tenait jamais plus de deux ans avec un compagnon : « Je ne voulais pas être seulement l’architecte d’un bonheur. Je voulais vivre avec un amour, vivre en amour. » Ne serait-ce pas précisément pour ça qu’elle a pris des vacances d’elle-même ? Parce que quelque chose s’était glissé entre elle et son amour ? Qu’est-ce que c’est, d’ailleurs, que ce « pacte » dont il lui parle ?
A-t-elle tort ou raison ? Elle décide de ne rien dire à Pablo, ce coup de foudre passé sans transition au statut de presque vieux mari. Elle lui paraît changée, bien sûr, mais c’est plutôt en mieux. Il a l’impression de découvrir une femme transformée, les enfants une nouvelle maman. Comme si elle avait fait de la place sur le disque dur pour pouvoir créer, enfin, du neuf.
Et Marie entreprend, tel un Œdipe aveuglé, une longue enquête sur elle-même, retrouve peu à peu des traces de son passé : Catherine et Juliette, les bonnes copines, Enrique, le professeur de piano à qui elle doit avouer son amnésie qui n’a pas épargné un don musical récemment découvert, le désagréable Igor, frère amer de Pablo et ses perfides sous-entendus, Geneviève l’amie d’enfance, retrouvée d’abord en rêve puis dans des messages électroniques, et le petit groupe du théâtre d’improvisation, et la sage-femme qui l’a aidée à faire naître ses filles et pourrait la mettre au monde elle aussi, avec tous ses souvenirs revenus, et Raphaël, le parrain de Lola, le psy à qui elle raconte tout et qui lui pose la bonne question : « Pourquoi avez-vous eu besoin de vous perdre pour mieux vous retrouver ? » Une question qui annonce celle que Marie ne tardera pas à formuler malgré sa peur : « Quel genre d’amour faut-il ressentir pour décider inconsciemment de ne plus voir l’homme avec lequel on a vécu depuis douze ans au profit de celui qu’on vient de rencontrer ? »
« Tout, plutôt que le non-être, le non-recevoir, le non-dit, le non. » Oui, tout plus que l’enlisement, la lente agonie qui consiste à vivre un amour mort. Tout, et même la souffrance de la vérité qui se cache, peut-être, dans les pages de ce cahier dissimule quelque part dans le cabanon des vacances légères, des vacances midi. Tout savoir pour ne plus reproduire, peut-être, les erreurs qui ont conduit au bord du vide.

Un seul bémol pour ce joli roman : lorsque l'on a compris la raison de l'oubli, la fin devient évidente, c'est dommage.

Le film, que je n'ai pas vu, mais que je mets sur ma liste d'envie link

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