LES MORSURES DU PASSE - Lisa GARDNER

C'est le tout premier livre de Lisa GARDNER que je lis. Voilà un livre qui peut mettre mal à l'aise, tant les sujets abordés sont difficiles.

Depuis une douzaine d’année, D.D.Warren appartient à la brigade criminelle de Boston, qu’elle dirige aujourd’hui. Âgée de près de quarante ans, cette blonde célibataire compense son manque de relations sexuelles par des repas plantureux. Ses enquêtes morbides lui laissent peu de temps pour les affaires de cœur. Cette fois, c’est toute une famille qui a été assassinée à leur domicile. Mme Harrington a été poignardée en premier, puis son fils aîné, et ses deux autres enfants, avant que M.Harrington ne se suicide par arme à feu. Il est hospitalisé entre la vie et la mort. Pour Alex Wilson, associé à l’enquête, un scénario peut-être trop simple. Et D.D.Warren note la présence d’un sixième couvert sur la table familiale. L’angle de tir oblige à douter du suicide, pour le père.

Selon Mme Bruni, paroissienne et voisine, c’était une famille sans histoire. Ils avaient adopté le petit Ozzie, enfant présentant des troubles psychologiques. Un autre témoin ami évoque les finances tendues du couple, le mari n’ayant plus d’emploi. Sans que ça explique une crise menant à un tel massacre. Le petit mystère du sixième couvert est vite résolu. Le cas pathologique d’Ozzie a certainement un lien avec le carnage. D.D.Warren et Alex se rendent à la polyclinique spécialisée où l’enfant fut suivi. Danielle Burton y est infirmière depuis plusieurs années. Elle se sent très impliquée, ayant elle-même vécu un drame durant son enfance. Elle culpabilise encore à cause de son comportement autour de cette dramatique expérience, en particulier envers le shérif Wayne.

Danielle explique les méthodes utilisées pour soigner les enfants à problèmes. Peu de médicaments, beaucoup d’écoute, du rapprochement. Ce fut vrai avec le petit Ozzie, enfant ayant traversé un épisode qui le rendit sauvage. C’est en ce moment le cas avec la petite Lucy, toujours violente malgré le dévouement de Danielle. L’infirmière apprend aux policiers que les Harrington espéraient l’aide d’un guérisseur. L’équipe de D.D.Warren est bientôt appelée sur un nouveau carnage familial. Si c’est le début d’une série criminelle, le contexte chez les Laraquette-Solis est bien différent de celui des Harrington. Une maison crasseuse abritait le clan reconstitué de ce dealer, un rasta blanc, qui parait avoir éliminé les siens avant de se supprimer, lui aussi.

D.D.Warren et Alex interrogent dans sa belle propriété Patrick Lightfoot. Ancien financier, il s’est découvert des dons de chamane issus de ses aïeux amérindiens. Cultiver l’énergie positive permet de résoudre bien des situations problématiques. C’est aussi vrai avec des enfants hyper caractériels, qu’il s’agit de restructurer. Des personnes désemparées s’adressent à lui, telle Victoria Oliver qui élève seule son dangereux fils Evan, huit ans, obsédé par les couteaux. La police s’intéresse à la scolarité chaotique des enfants des Laraquette. Y a-t-il là un lien avec les Harrington ? Hermes le dealer est mort, en réalité, à cause de décharges de Taser. Dans le Massachusetts, c’est une arme interdite, difficile de s’en procurer. Adulte ou enfant, le tueur sévira encore avant que D.D.Warren et son équipe ne puissent l’identifier…

Si la forme, la structure de ce roman consiste en une enquête policière avec recherche d’un ou d’une coupable, coupable que les lecteurs penseront avoir démasqué avant l’épilogue, c’est bien le fond qui donne toute sa valeur au récit. Ceux qui vivent avec des enfants souffrant d’hyperactivité, de troubles d’intégration sensorielle, d’autisme, de troubles psychiatriques quels qu’ils soient, ceux qui connaissent ou sont à même de côtoyer de tels enfants caractériels dans leur entourage proche ou lointain, ne seront pas choqués par les descriptions, qui ne sont pas complaisantes, de la part de Lisa Gardner. Ils savent que les parents sont prêts à tout pour soigner leur progéniture, de ne pas les dévaloriser, à leur trouver des solutions : pédopsychiatres, éducateurs, structures adaptées, médicaments et même se faire aider par des charlatans. Seule la foi sauve, souvent sans résultat significatif.

Les autres, éloignés de ce genre de rapports, ne pourront que se demander si l’auteure n’a pas forgé une histoire abracadabrante, misérabiliste, voyeuriste, à dessein pour faire pleurer Margot dans les chaumières. Pourtant, cela existe et les faits de débordements sont de plus en plus d’actualité. Ainsi les bagarres à répétition dans les cours d’école, les agressions entre élèves ou d’enseignants, les parents battus, et ceci déclenchés pour des futilités en apparence. Des gamins inconnus des services de police comme on dit et dont on découvre qu’ils sont atteints d’un mal psychotique. Et ces personnes, la bouche en cœur, vous déclareront que c’est de la faute des parents, que s’ils avaient mieux élevés leurs enfants, cela ne se serait surement pas passé comme ça, des déclarations fracassantes de la part d’individus qui n’y connaissent rien mais ont des solutions toutes faites pour régler tous les problèmes.

Lisa Gardner n’a pas écrit un roman facile, et il s’agit plus d’un engagement envers une famille qui a connu ce genre de déboires que de jouer avec le pathos à l’encontre de ses lecteurs. Émouvant, perturbant, dérangeant, mais passionnant et instructif.

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